On nous parle de souvenirs d’enfance, de nostalgie, de beaux moments en famille. On nous montre de belles familles unies sur les internets et à la télévision. Heureusement, de plus en plus, on nous montre aussi des familles avec des traumatismes générationnels et des darks secrets.
En cette période de changement que nous ressentons entre les générations futures et celles du passé, je suis rassurée. Moi, la femme que je suis aujourd’hui, j’ai enfin espoir.
Car la petite “Toutoune”, nickname qu’on me donnait durant mon enfance, cette petite-là, elle en avait plus d’espoir. Après la décennie de négociations, de consultations et de signalements, elle ne voulait plus subir de déceptions. Elle en avait vu de toutes les couleurs étant cette petite “Toutoune” qui était maigre et nerveuse.
ET PUIS, LE SECRET SE DÉVOILA ET TOUT CHANGEA.
Je n’aurais jamais cru qu’à 30 ans, ma vie allait basculer aussi drastiquement.
Un point de non-retour arriva, alors que je me chicanais avec ma grand-mère qui questionnait beaucoup mes choix de vie, tout comme sa génération, en portant beaucoup de jugements sur comment je vivais ma VIE DE FEMME.
J’avais atteint ma limite de patience, mèche courte en plus sur certains sujets, quand j’ai lancé “lâche-moi ! Ce n’est pas ma faute si tu as élevé une pute ! Inquiète-toi de ses choix à elle, mais sacrez-moi patience avec les miens !” (en parlant de sa fille, la femme qui m’a mise au monde).
Ma pauvre gran-gran qui ne comprenait pas ce qui venait de se produire, me demanda avec angoisse “mais qui te l’a dit ?”
Et paf, mon monde s’écroula. Mon identité venait de se craquer et le puzzle de ma jeunesse venait d’imploser.
Depuis, les morceaux tombent où ils doivent.
Et ma grand-mère se rendit compte que c’est à ce moment-là qu’ELLE me l’avait dit. Ou plutôt confirmé, puisque d’autres avaient, trop subtilement, essayé de me mettre la puce à l’oreille.
Eh bien. J’avais déjà peu d’admirations et de respect pour la femme qui m’a donné naissance… laissez-moi vous dire que ça n’a pas aidé sa cause.
Je ne parlerai pas d’elle ni de sa profession, car je n’ai aucunement le goût d’offenser qui que ce soit. Par contre, je dois vous dire que je ne juge pas les femmes misent dans ces positions avec lesquelles elles ne savent plus où demander de l’aide pour ensuite faire des choix avec leurs corps. Ça leur appartient. Celle dont je vous parle, avait des options, avait de l’aide, avait des choix, autres que celui-là.
Pour en revenir à mes moutons, dans ma famille, personne n’avait jugé bon de me dire qu’en plus de ses problèmes de santé mentale, j’avais été élevé dans un monde beaucoup trop adulte et sexualisé en raison de ce secret. Ouf, la trahison que j’ai ressentie, et soyons honnête, que je ressens encore.
Ils ont protégé le secret d’une mère qui m’a violenté, on/off pendant deux décennies, plutôt que de dire la vérité et de me protéger.
Si tu me connais, tu dois déjà savoir tout ceci, car j’ai zéro honte des choix des gens autour de moi et j’ai trop longtemps été dans le désarroi de mon enfance pour ressentir la responsabilisation et la gêne que d’autres ont.
J’ai bâti un solide réseau d’amis autour de moi, ces hommes et ces femmes-là ont toujours su qui je suis et d’où je viens. J’ai tellement eu la peur de l’abandon que j’aimais mieux être dérangeante dans ma transparence que de prendre la chance de subir un rejet/abandon plus tard avec une information qui avait été dissimulée.
LE SECRET, sorti tout croche cette journée-là, dans ma chambre d’enfance, dans le sous-sol chez mes grands-parents, m’ouvrit grand les yeux sur la loyauté et l’importance qu’ont les narratives de nos vies. J’ai, dans les mois suivants cette explosion familiale, compris bien des choses et recadré un nombre incroyable d’événements qui, à ce jour, n’avait fait aucun sens.
Je crois que dans la vie de chacun, il y a un moment perturbateur. Oui, nous avons des défis et des irritants, mais j’ai la conviction qu’il y a un GROS BOOM qui crée un “avant” et un “après”. Le mien, c’est celui-là.
Avant ce moment, j’avais des questions à n’en plus finir et des parties brisées de mon cœur que je n’arrivais pas à expliquer. Chaque fois que je faisais de la thérapie, que je racontais mon enfance et les déceptions, il y avait encore plus d’injustice, car chaque professionnel ne comprenait pas que je n’avais pas eu d’aide dans tout ça.
La vérité, telle que je la comprends aujourd’hui, c’est que ce secret, qui m’a été dévoilé par accident, a été protégé avec une détermination digne de ma famille. Au point que mon père, divorcé et dans une autre ville, n’avait pas été mis au courant non plus. Alors, ni la police, ni la DPJ, ni les professionnels de la santé que je voyais, avaient la vérité, car on a protégé le secret, à mes dépens.